Selon S&P Global, la dette privée représentait 77 % du financement global des LBO en 2024, avec 1 200 milliards de dollars qui ont été investis par ce biais. Par ailleurs, en 2025, la dette privée a déjà financé 83 % des LBO annoncés à date. Ainsi, ce sont les fonds de dette privée qui financent aujourd’hui la majorité de ces transactions, et non plus les établissements bancaires traditionnels, encore majoritaires jusqu’aux années 2010.

Sources : S&P Global, Preqin, PitchBook, Adams Street Partners
Mais quelles sont les raisons expliquant ce changement dramatique du financement des opérations de private equity ?
Renforcement des réglementations bancaires
Les banques sont soumises à des exigences de fonds propres beaucoup plus élevées depuis la crise de 2008 (Bâle III & IV). Les prêts LBO étant perçus comme risqués, ils consomment beaucoup de capital « réglementaire ».
Résultat : les banques réduisent leur exposition aux LBO et sortent du marché du "prêt risqué".
Souplesse et rapidité de la dette privée
Les fonds de dette privée sont plus rapides à structurer un prêt. Ils acceptent souvent des covenants plus souples et des structures plus flexibles, ce qui facilite la vie des fonds de private equity en phase d’acquisition.

Montée en puissance de la dette privée comme classe d’actifs à part entière
Les investisseurs institutionnels, recherchant des rendements stables, des revenus réguliers (intérêts) et une faible corrélation avec les marchés cotés, ont ainsi permis le développement massif des fonds de dette privée.
Retrait du marché syndiqué
Après 2008, puis 2022 avec la hausse des taux, les marchés syndiqués sont devenus volatils, notamment en Europe. Or, la dette privée se structure en bilatéral ou club deal, hors marché, ce qui génère moins de dépendance à la conjoncture.
Positionnement stratégique des acteurs de la dette privée
Ces fonds sont spécialisés dans le « mid-market » traditionnellement délaissé par les banques (EBITDA < €25M). Ils sont aussi capables de structurer des tickets de 10 à 200 M€ rapidement, avec plus de personnalisation.
Meilleure rentabilité pour les prêteurs privés
Les marges sur les prêts LBO privés sont plus attractives que sur le crédit bancaire classique. Les fonds sont rémunérés via des taux d’intérêt plus élevés, des frais d’arrangement, et parfois participation au capital (warrants, equity kicker).
Effets de réseau avec le private equity
Les fonds de dette privée ont tissé des relations durables avec les fonds de private equity. Cela leur donne un accès privilégié aux transactions avant les banques.

Sources : S&P Global Market Intelligence (2024–2025) PitchBook Private Capital Monitor, Adams Street Partners, Preqin
Quelles sont les perspectives de la dette privée, notamment au travers des turbulences actuelles ?
Certains observateurs tirent déjà la sonnette d’alarme : les droits de douane, qui augmentent le coût des matières premières et composants importés, compriment les marges des entreprises et leur capacité de remboursement. L’International Association of Credit Portfolio Managers (IAPCM) prévoit une hausse des défauts de paiement dans les 12 prochains mois, ainsi qu’une révision à la baisse des portefeuilles de dette privée.
Les risques inhérents à la dette privée (illiquidité, coût élevé, défauts potentiels) sont ainsi mis en lumière — mais qu’en est-il réellement ?
Disparités sectorielles
Des secteurs comme l’automobile, l’aéronautique et le luxe (notamment en France) sont plus exposés aux droits de douane, tandis que les services financiers, les technologies de l'information et la pharmacie sont moins touchés. L’allocation sectorielle des gestionnaires de fonds est donc déterminante.
Des réserves de capital encore importantes
Malgré un ralentissement récent de la collecte, les montants records levés en 2023 n’ont pas encore été entièrement investis. Les entreprises de taille plus modeste, à fort ancrage local (EBITDA < €25 M) sont également moins affectées. Moody’s souligne que le resserrement du crédit bancaire pourrait orienter davantage d’entreprises vers la dette privée.
Les fonds de pension maintiennent leurs allocations
Beaucoup considèrent la dette privée comme un amortisseur de volatilité. Par exemple, CalPERS adopte une stratégie prudente, en diversifiant à la fois géographiquement et sectoriellement pour affronter les incertitudes.
Opportunités en Europe
Au-delà de l’IA et de la transition énergétique, la hausse des dépenses de défense ouvre de nouvelles perspectives de financement.
Conclusion
La dette privée offre des rendements attractifs mais comporte aussi des risques significatifs (illiquidité, coût élevé, défauts). Elle convient toutefois aux investisseurs patients comme aux opérations de private equity en besoin d’un financement rapide, malgré un coût plus élevé. Elle a donc un bel avenir devant elle en qualité de principal fournisseur de liquidités au private equity.